Disclaimer : Cet article, plus que tous les autres ne peut être ni copié, ni modifié sans mon consentement exprès écrit.
Hello hello ! Cela fait plusieurs jours que je travaille sur un sujet particulier qui me tient à cœur. Etant étudiante en droit, précisément étudiante de droit privé, je m’attaque ici au droit public, plus largement au droit européen, autant dire que ce n’est pas forcément ma tasse de thé mais je suis déteeer. J’ai décidé de me pencher sur la législation relative à l’expérimentation animale dans les produits cosmétiques. Cet article est long, très long, beaucoup trop long mais au moins je sais où on en est. Alors, si toi aussi tu veux savoir et arrêter de tout mélanger comme je le faisais, continue de lire !
C’est quoi et pourquoi des tests sur les animaux ?
Certains Etats font tester leurs matières premières, combinaisons d’ingrédients ou produits finis sur les animaux afin de voir les éventuels effets secondaires du produit avant de les mettre sur le marché. Je ne vous cache pas que les résultats peuvent être désastreux. Entre maladies curables ou incurables, pathologies, morts certaines (subites ou agonie), les animaux de laboratoire endurent souffrance permanente et faiblesse insurmontable.
D’autres Etats usent de méthodes alternatives à l’expérimentation animale pour tester leurs cosmétiques. Néanmoins, là où les méthodes alternatives ne peuvent satisfaire la sécurité de la santé humaine, l’expérimentation animale est le recours.
Chaque Etat de l’Union Européenne a des obligations de sécurité sanitaire. Il est à charge de ne mettre sur le marché que les produits qui sont sans danger pour la santé humaine. Le principe est qu’un produit qui serait sans danger pour la santé humaine « dans des conditions normales ou prévisibles d’utilisation » ne pourrait donc se voir interdit sur le marché. En revanche, il est du devoir de chaque Etat de l’Union Européenne de prendre des mesures d’interdiction ou de restriction du produit cosmétique lorsqu’un danger se présente.
En France, ça se passe comment ?
Beh en France, ça ne se passe pas. Je vous explique. La France fait partie de l’Union Européenne, ça, je ne vous l’apprends pas. L’Union Européenne a décidé très tôt d’être actrice dans l’arrêt de l’expérimentation animale.
Par la directive, dite « Cosmétiques », 76/768/CEE du Conseil du 27 juillet 1976, l’Union a encadré la législation sur les cosmétiques pour tous les Etats membres : pour l’étiquetage, les ingrédients et la composition, la surveillance du marché ainsi que l’expérimentation animale. Cette directive a été modifiée de nombreuses fois. On retiendra l’amendement fait par la directive 2003/15/CE du 27 février 2003 du Parlement européen et du Conseil qui vient établir des échéanciers et fixer des dates pour mettre fin progressivement à l’expérimentation animale.
En ce qui concerne notre sujet, cette première directive crée des interdictions :
- ♦ l’interdiction de l’expérimentation animale sur les produits cosmétiques finis (en vigueur depuis 2004),
♦ l’interdiction de l’expérimentation animale sur les ingrédients et combinaisons d’ingrédients (en vigueur depuis le 11 mars 2009)
♦ l’interdiction de mise sur le marché (c’est-à-dire l’interdiction de la commercialisation) de produits cosmétiques finis qui ont été testés sur des animaux ou qui contiennent des ingrédients testés sur animaux (en vigueur depuis le 11 mars 2009).
Cependant, jusqu’au 11 mars 2013, une exception était prévue : les tests sur les animaux concernant la toxicité par doses répétées, la toxicité reproductive et la toxicocinétique (l’évolution des substances toxiques dans le corps au cours du temps). Après cette date, la mise sur le marché de produits testés dans le cadre des tests précités est interdite. De plus, cette interdiction est renforcée dans le sens où elle s’applique quand bien même il n’y aurait pas de méthodes d’expérimentation alternatives disponibles.
La France a transposé en droit interne par un décret n°2004-1219 du 17 novembre 2004 cette directive de 2003 et a modifié les dispositions du code de la santé publique relatives aux produits cosmétiques.
Ces directives ont été remplacées par un règlement européen : le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Il est en vigueur depuis le 11 juillet 2013. Certaines de ses dispositions le sont depuis le 1er décembre 2010. Les règlements européens ont vocation à s’appliquer à tous les Etats sans que ceux-ci n’aient à le transposer comme il est de rigueur pour les directives. On dit qu’ils sont d’effet direct : cela signifie qu’ils peuvent être invoqués devant les juridictions de chaque Etat par des particuliers.
Ce règlement prône les méthodes alternatives à l’expérimentation animale. Ils renforcent les directives précédentes, en fait une refonte et rappelle l’interdiction des tests sur les produits finis et les ingrédients ou les combinaisons d’ingrédients de ces produits finis. Il ajoute que la commercialisation est également interdite pour les produits (avant qu’ils soient finis) dont les ingrédients ou combinaisons d’ingrédients ont été testés.
Il est donc finalement interdit depuis de réaliser des tests animaliers sur les produits cosmétiques finis ou non et de mettre sur le marché des produits qui auraient été testés sur les animaux.
Que sont les méthodes substitutives/alternatives ?
Ces méthodes, censées remplacer les tests sur les animaux, sont validées par le Centre européen pour la validation de méthodes alternatives (ECVAM) ou par l’OCDE. Elles doivent assurer une protection équivalente au consommateur que la méthode de l’expérimentation animale.
Entre 2007 et 2010, 238 millions d’euros ont été affectés par la Commission aux travaux de recherche de ces méthodes. Pour mettre la main à la pâte par la principale intéressée, l’industrie cosmétique a cofinancé avec 25 millions d’euros l’initiative SEURAT pour la période 2011 – 2015. SEURAT, Safety Evaluation Ultimately Replacing Animal Testing, a pour but de diminuer au maximum les tests sur les animaux en réalisant une série de projets.
Parmi ces méthodes, on trouve : les méthodes in vitro (on teste sur les cellules humaines ou animales), in vivo (prélèvements de tissus d’animaux vivants) et in silico (on recrée des modèles par informatique).
Y’a-t-il anguille sous roche ? Sisi la théorie des complots.
Non pas vraiment, mais ça, je ne peux pas vérifier ce qu’il se passe vraiment dans chaque labo. Ce qui est clair et transparent, légalement parlant, c’est que tous les produits commercialisés n’ont pas été testés sur les animaux (même leurs ingrédients). C’est ainsi qu’on retrouve les grosse boîtes comme L’Oréal ou LVMH par exemple qui testent leurs produits hors de l’UE et les vendent en dehors de l’Union Européenne puisque tout est interdit dans la Communauté.
Cependant, les tests ne sont pas totalement terminés. Il existe encore une brèche. Comme je l’ai dit précédemment avec l’initiative SEURAT, elle est chargée, à l’aide de projets, de diminuer au maximum l’expérimentation animale. Cela laisse entendre que l’expérimentation animale existe encore au sein de l’Union Européenne, sans quoi cette initiative n’aurait aucune raison d’exister hormis le développement de méthodes alternatives (ce qu’elle fait également).
Et effectivement, l’Union laisse apparaître que dans des cas exceptionnels et contrôlés, l’expérimentation animale reste possible. Cependant, pour le bien-être des animaux, le but est de remplir le principe des « 3R » (les méthodes alternatives exposées précédemment) : remplacer les animaux quand c’est possible par une méthode alternative (in vivo, in vitro, in silico), réduire le nombre d’animaux dans les laboratoires (par des analyses, on regarde quels sont les animaux moins sensibles que d’autres afin de sélectionner l’espèce la plus à même de donner des résultats proches de ceux de l’être humain… là encore, ce n’est pas top du tout, aucun animal ne devrait subir ça), et raffiner les tests/protocoles réalisés sur les animaux afin de réduire au maximum leurs souffrances (super, non ?! Ils souffrent quand même…).
Par exemple, dans des cas où un ingrédient largement utilisé susciterait de fortes préoccupations, un Etat membre peut demander une dérogation auprès de la Commission afin d’effectuer des tests sur les animaux. Cette dérogation est subordonnée à la consultation du CSSC (le Comité Scientifique pour la Sécurité des Consommateurs).
Au final, la méthode des 3R et les méthodes substitutives laissent régner la souffrance animale. On peut dire que l’expérimentation animale est juste “restreinte”.
Notons que depuis 2013, l’UE a également interdit l’importation de produits testés sur les animaux.
OR ET PAR AILLEURS, il existe un règlement appelé REACH. En gros, il permet aux industriels de tester leurs produits chimiques sur les animaux si les méthodes alternatives ne le permettent pas et sous certaines conditions. Assez paradoxal. Ce sont des substances destinées aux industriels mais aussi aux peintures, produits de nettoyage etc… Ce sont alors des choses et objets du quotidien de tout le monde qui ont fait l’objet de tests…. S’en sortent forcément des rapports. Ainsi, n’importe quelle entreprise peut se servir de ces données indirectement pour créer leurs cosmétiques.
Et en dehors de l’Europe ?
C’est la grosse misère. La Chine est certainement l’exemple le plus connu. Elle n’est pas le pays le mieux vu pour le bien-être des animaux… Néanmoins, il semblerait que depuis 2014, elle autorise certains cosmétiques qui auraient eu recours à une méthode alternative.
D’autres Etats ont en revanche pris des mesures et ont banni l’expérimentation animale. C’est le cas par exemple de l’Inde et d’Israël.
Pour finir, si vous voyez sur les sites internet français des marques affirmant qu’elles ne testent pas sur les animaux, c’est tout simplement car c’est interdit dans l’UE (sous réserve que les substances qu’elles ont utilisé ne tombent pas sous le coup du règlement REACH… Et ça, va-t-en le savoir !). Elles peuvent cependant ne pas se gêner en dehors de l’Union Européenne…
Certaines marques se font certifier “Cruelty Free” (sans cruauté) et peuvent ainsi apposer le logo pour prouver qu’elles ne testent pas sur les animaux.


Mais la certification a un coût : ce n’est pas parce qu’une marque n’a pas le logo qu’elle ne teste pas. Au final pour savoir si la marque effectue des tests en dehors de l’UE pour des pays tiers à l’UE, il faut se renseigner : appeler, envoyer des e-mails (mais nous ne sommes pas à l’abri du mensonge)… C’est la jungle.
L’association Peta a également fait une liste : http://features.peta.org/cruelty-free-company-search/index.aspx

12 Commentaires
[…] que j’ai ENFIN trouvé la réponse sur le blog de Mathilde (Mathilde London) dans un excellent article à visée juridique sur la réglementation cosmétique (je vous invite vivement à le lire). Sachez donc que des méthodes alternatives aux tests sur les […]
Merci pour ce super article ! Mais j’ai une question car je me suis intéressée à ce sujet sans trouver de réponse jusqu’ici et ton article ne contient pas cet élément :
“l’Union laisse apparaître que dans des cas exceptionnels et contrôlés, l’expérimentation animale reste possible”… Je pense que tu parles ici des tests sur les “ingrédients chimiques toxiques pour l’homme si exposition pendant la fabcircation” qui dans le cadre de la règlementation peuvent alors être testés. Le problème, c’est qu’on ne sait pas vraiment lesquels il s’agit dans les listes INCI des cosmétiques. Je suis bénévole pour l’association Slow Cosmétique et là non plus je trouve pas l’info. Sais tu quels sont ces fameux ingrédients théoriquement encore testés sur les animaux dans les cosmétiques ? Je pense aux colorants azoiques, mais où est la liste ? Parce qu’au final c’est ça qui compte ! Si on les connait par coeur, alors on est sûre d’avoir un cosmétique 100% non testé. 🙂
Bonjour,
Oops j’ai oublié de te répondre. Je regarde ça et reviens vers toi 🙂
Merci pour cet article très bien expliqué 🙂
J’avais cherché si les labels bio (cosmébio, écocert, natrue …) interdisaient ou pas les tests sur les animaux et apparemment ça dépend des labels (déception) donc je crois que maintenant je vais faire plus attention, mais c’est difficile de savoir ! Je fais déjà le tri sur d’autres critères et je suis bien partie pour ajouter aussi les tests sur les animaux.
Super article
Juste serait-il possible d’avoir la liste des marques qui testent leurs produits sur les animaux, si tu les connais ?
Merci
Bonjour, merci 🙂
Je ne les connais pas toutes. Mais l’association Peta en a fait une liste (non exhaustive) sur leur site ici (en anglais) :
http://features.peta.org/cruelty-free-company-search/index.aspx
Tu peux chercher aussi sur google “cruelty free brands” “cruelty free companies” 🙂
Super article !
En tout cas, j’aime bien ta façon d’écrire. Parce que même si on s’y connait pas trop en droit, t’explique tout très bien ! 🙂
Merci !! 🙂
Coucou !
Ton article est clairement l’article que j’ai pu trouvé à ce sujet. Tu nous permets d’avoir un avis global sur les législations et interdictions qui existent sur ce sujet très sensible de nos jours.
Je te remercie de m’avoir éclairé sur certains aspects que je ne connaissais pas. Bisous
Merci et ravie de t’avoir éclairée 🙂
Hello!
J’étais déjà un peu documentée sur le sujet (par lecture de diverses articles depuis plusieurs années), mais ce que tu proposes est l’article le plus complet que j’ai vu. Joli travail, merci !
Merci pour ce joli commentaire 🙂